2022 – Eurodiagonale – DUNKERQUE / COPENHAGUE (Danemark) & MALMÖ (Suède) / WISSEMBOURG (France)

Synthèse

  Trajet : Dunkerque / Copenhague

  Dates : du 20 au 26 juin 2022

  Distance : 1117 km

  Dénivelée : 3544 m

  Participants :

Mevel Michel

Gauthier Gérard

  Homologation FFCT : 22-003

  Album photo (à venir)

    Étapes
 1  DUNKERQUE / GENT (Belgique) 120 km 413 m
 2  GENT/ UDEN (Pays-Bas) 195 km 303 m
 3  UDEN / LINGEN (Allemagne) 188 km 547 m
 4  LINGEN/ WORPSWEDE  162 km 415 m
 5  WORPSWEDE  / BÖSDORF  188 km 609 m
 6  BÖSDORF / PRAESTAO (Danemark) 165 km 912 m
 7  PRAESTAO / COPENHAGUE 99 km 345 m

  Feuille de route : Ouvrir  Télécharger

Ce récit porte à la fois sur l’Eurodiagonale DUNKERQUE / COPENHAGUE et sur la randonnée qui  l’a prolongée en Allemagne entre LÜBECK et WISSEMBOURG, après une brève incursion à MALMÖ en Suède.  C’est une compilation, complétée et enrichie avec de nouvelles photos, des comptes-rendus initialement publiés sur le blog au cours de notre périple de douze jours et 1770 km dans cinq pays : Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark et Suède. 

 Acte 1 – Eurodiagonale DUNKERQUE / COPENHAGUE

Étape 1 – Dunkerque / Gand – (Belgique) 120 km

Après moultes péripéties postales et pharmaceutiques nous obligeant à un détour par Saint-Pol-sur-Mer, nous avons enfin réussi à quitter Dunkerque avec plus de deux heures de retard par rapport à nos prévisions. Pour couronner le tout, un petit vent, forcément contraire, est venu compliquer un peu plus le début de notre escapade vers Copenhague. 

km 15 – Frontière franco-Belge
km 23 – VEURNE (Province de Flandre occidentale)

Sans presque dire un mot, Michel imperturbable comme à son habitude, à su atténuer ces contrariétés et m’amener à relativiser. J’ai fini par me résigner à oublier l’idée de la quiétude de la soirée que j’imaginais passer attablé en terrasse d’une brasserie du vieux Gand. Au lieu de déguster une trappiste, notre retard nous condamne à pédaler comme des forcenés au milieu des champs de pommes de terre en fleurs.  

Bien que la conclusion de cette première journée de notre Eurodiagonale nordique ait été autre que celle idéalisée, en moulinant sans relâche, notre souhait de découvrir les monuments des quartiers historiques de Gand a cependant été en partie exaucé. Un repas écourté, une heure du coucher retardée et le solstice d’été, nous ont permis d’avoir un aperçu des principales curiosités de ce joyau des Flandres où je me suis promis de revenir un jour avec ma chère et tendre. 

GAND – en presque nocturne

Étape 2 – Gand – (Belgique) / Uden (Pays-Bas) – 195 km

Notre seconde journée commence avec une grosse frayeur. Après avoir rassemblé mes affaires, j’ai beau chercher, mon portefeuille demeure introuvable. Déjà j’imagine le pire : sans papiers, le voyage s’arrêtera à Gand. Très inquiet, et honteux à l’idée d’empêcher Michel de poursuivre son voyage, j’envisage le scénario d’un retour forcé. 

Inutile de vous décrire notre soulagement lorsque je le retrouve intact, posé sur la selle de mon vélo rangé dans le garage collectif de l’immeuble.

Michel, me fait remarquer que j’avais pris grand soin de dissimuler nos vélos ; mais avec malice, il suppose qu’en laissant le portefeuille en évidence et en offrant ce présent à un hypothétique voleur, j’espérais l’amadouer et l’inciter à dédaigner ma chère monture.  

Après deux heures de pédalage vient l’heure du café matinal. L’enseigne du « Pédal-bar » semble tout indiquée. Dans cet établissement singulier qui combine les activités d’un vélociste et celles d’un débit de boissons, une charmante demoiselle nous explique la particularité de ce concept issu de l’imagination de son grand-père et souvent copié depuis. L’homme très alerte, qui est un peu l’âme du lieu apparaît justement.

Avec René Vershueren, le mécanicien de « Raymond » 
C’est un jeune homme de 86 printemps, ancien coureur cycliste et ami de Raymond Poulidor, dont il a été le mécanicien attitré pendant cinq ans. L’homme, dont on aperçoit le portait casqué avec les boudins de cuir, comme certains coureurs en portaient dans les années soixante, est fringant, vif et d’emblée bougrement sympathique. Intéressé par notre périple et curieux de nos aventures mutuelles, nous échangeons brièvement mais de manière intense. Puis, après nous avoir salué chaleureusement, il s’éclipse.
Au moment de régler nos consommations, sa petite-fille nous annonce que nous ne devons rien. Décidément ce grand-père, qui lorsqu’il évoque « Poupou » dit affectueusement « Raymond », est vraiment un homme étonnant. 
Km 185 – MECHELEN, les français disent « Malines » (Flandres Belge)
Km 212 – Pont sur le Canal Albert (Province du Limburg)
Étape 3 : Uden (Pays Bas) / Lingen (Allemagne) 188 km

Cette troisième étape est semblable aux deux précédentes, rigoureusement plate avec seulement 547 mètres de dénivelé positif, un petit vent le plus souvent défavorable et son lot de lignes droites filant dans un paysage entièrement façonné par des agriculteurs raisonnant avec une logique productiviste. 

De temps a autre, des effluves porcines embaument l’air, nous incitant à de soudaines accélérations. La nature à l’état brut a semble t’il presque totalement disparu ici. Il est vrai que les régions traversées comptent parmi celles où l’on trouve les plus fortes densités de population d’Europe.

Ce souci d’organisation de l’espace au seul bénéfice de l’homme est perceptible partout, en campagne comme en ville. Dans les zones qu’on hésite à qualifier de « rurales « , la nature n’existe plus, complètement anéantie par cette quête frénétique de rentabilité agricole.

En revanche, dans les villes et les villages, cette recherche d’optimisation contribue efficacement à l’harmonie urbaine, obtenue en pensant à des usages multiples ne privilégiant pas la seule mobilité motorisée. Parmi ceux-ci, la prise en considération de la pratique cycliste à abouti à réaliser des infrastructures remarquables qui pourraient utilement inspirer les aménageurs français. Depuis notre départ, nous avons parcouru environ 400 km essentiellement sur des pistes cyclables, dont la qualité n’en finit pas de nous surprendre. 

Km 466 – DENEKAMP (Pay-bas)

Leur conception et leur réalisation sans faille incitent  de nombreux usagers à les emprunter. Voilà sans doute la raison de cet engouement des flamands, belges et bataves, pour la petite reine, même si une bonne moitié du parc vélos est électrique. 

Le respect de l’espace public est pour nous un autre sujet d’étonnement. Les rues et les bords de route sont propres : on peut rouler longtemps sans voir de masques sanitaires usagés, de bouteilles vides jetées ici ou là ; et bien que Ronald soit présent à chaque carrefour, on peut chercher en vain les emballages des produits de la  « malbouffe ». Le respect s’observe aussi dans les attitudes des usagers de toute sortes, automobilistes, cyclistes ou piétons.

Il est clair pour tous que, contrairement à nos comportements français,  l’espace ne se conquiert pas, il se partage.

Étape 4 : Lingen ( Allemagne) / Worpswede  – 162 km

Le compte-rendu journalier de cette randonnée ne se renouvelle guère : les routes, presque toujours doublées par des pistes cyclables, sont toujours aussi plates, les paysages de Basse-Saxe à peine moins monotones que ceux des Flandres belge et hollandaise. 

Comme les voisins flamands, les saxons font dans le cochon, pas dans le X, mais dans celui qui naît avec une queue en tire bouchon promise à être sacrifiée à brève échéance d’un coup de sécateur. Ici, on travaille dur pour inonder l’Europe de cochonnailles et de volailles bon marché. La demande est telle que les porcheries et poulaillers traditionnels ont été remplacés par d’immenses bâtiments fonctionnels adaptés à cette production de masse. Posés dans un paysage où les éoliennes sont plus nombreuses que les arbres, les silos à céréales, les toitures des porcheries et poulaillers industriels couvertes de milliers de mètres carrés de panneaux solaires  et les cuves de méthanisation sont devenus les composants caractéristiques de l’architecture saxonne contemporaine. 

Loin d’imaginer cette artificialisation outrancière des campagnes, la Dame de cœur de Michel, sensible à la grâce des moulins brassant le vent, lui a demandé de lui envoyer des photos. Alors tels Don Quichotte et son fidèle écuyer, nous courrons la campagne entre deux champs de patates en fleurs (c’est presque aussi joli que les tulipes) et lorsqu’au loin la silhouette d’un moulin apparaît, nous changeons de cap pour en atteindre le pied.

 Si Dulcinée avait préféré les éoliennes, la moisson aurait été autrement fructueuse !

Km 553 – BADBERGEN (Basse-Saxe) – Allemagne

Vers km 575 – Environs de Vechta (Basse-Saxe)

 

Étape 5 – Worpswede / Bösdorf (Allemagne) 188 km

Étape 6 – Bōsdorf (Allemagne)/ Praestao (Danemark)  – 165 km

Étape 7 – Praestao (Danemark) / Copenhague / Malmö (Suède) – 99 km

Le plat pays dure encore trois étapes au cours desquelles nous ne prenons guère de plaisir à rouler, hormis sur trois tronçons du parcours à peine plus vallonnés et boisés que ces plaines vouées exclusivement à l’agriculture et l’élevage intensifs . 

Le premier tronçon un peu plus bucolique précède la région de Clèves, au moment où nous rentrons en Allemagne par une belle forêt. Le second se situe vers lacs de Plön au nord-est de Hambourg. Il nous vaut quelques montées plutôt bienvenues par les changements de rythme qu’elles nous imposent. Enfin, le dernier passage agréable vient en fin de parcours lorsque nous arrivons dans la région côtière de Praestao au sud de Copenhague. Dans cette petite ville danoise endormie, nous passons la nuit précédant notre arrivée à Copenhague. Au début de notre dernière étape vers Copenhague, après avoir un moment cheminé sur la route côtière ces douces collines durent encore un peu. Mais très vite en rejoignant la route littorale, j’ai souvent à nouveau, comme la veille, l’avant-veille et les jours d’avant, la sensation de pédaler sur un home-trainer.

Dans quelques endroits, la nature à été heureusement préservée : le patchwork des parcelles avec des cultures diversifiées, les arbres isolés, les bosquets et des haies, animent le paysage et lui donnent de la profondeur. On entend même une musique presque oubliée depuis le début de cette longue route, le chant des oiseaux. De temps à autre, comme pour nous montrer qu’ici la vie existe, des lapins ou un chevreuil détalent à notre approche. Ce paysage enfin plaisant nous aide à oublier les odeurs pestilentielles de l’ensilage et du lisier, ainsi que la ronde des tracteurs monstrueux charriant d’énormes cuves de déjections animales souillant les tristes plaines flamandes et saxonnes.

Dans ces trop rares enclaves à peu près épargnées, nous retrouvons un peu la motivation pour randonner.

Ces trois jours entre Allemagne et Danemark sont entrecoupés par des traversées en ferries et celle de deux longs ponts enjambant des bras de mer. 

km 755 – Pont transbordeur d’OSTEN (Basse-Saxe)

La première de ces trois journée aurait du débuter par une expérience insolite préparée de longue date. Pour passer sur la rive opposée d’une petite rivière, j’avais imaginé utiliser l’antique pont transbordeur  du village d’Osten  au sud-ouest de Hambourg. Heureux de cette trouvaille, qui  à coup sûr épaterait mon beau frère (hambourgeois de naissance, mais ignorant l’existence de cet ouvrage),  j’avais même dévié de l’itinéraire normal pour le seul plaisir de cette fantaisie. Mais cette singularité de parcours n’ a été qu’une occasion d’un détour imprévu par le pont moderne qui l’a remplacé. Au jour de notre passage, le pont transbordeur est resté désespérément immobile.

Le cyclotouriste doit s’accommoder parfois de désillusions !

Un peu plus loin, le premier franchissement de la Baltique par le pont de Fehmarsund, surplombant la mer de plus de 40 mètres, donne lieu à une scène aussi cocasse que surréaliste : nous roulons sur une piste cyclable en contrebas du remblais d’accès a ce pont. Au bout du remblais, on atteint le rivage par la piste de plus en plus chaotique. Nous contournons l’extrémité du remblais de culée sans voir de rampe d’accès. Ne comprenant pas comment on accède à l’ouvrage, j’escalade péniblement le talus. Au sommet, j’aboutis le long d’une double voie de chemin de fer, bordée par une route. Prudent, je laisse passer un train,  traverse les voies et interpelle un cycliste qui passe sur la piste de l’autre côté de la route et des voies. Dans le tumulte de la circulation automobile, il m’indique avec force gestes  » Die Tür, die Tür ! « . Une réminiscence de mes cours d’allemand et je comprends qu’on accède là par une porte. Nous devons rebrousser chemin sur près de deux kilomètres avant de trouver la fameuse porte ménagée dans un grillage bordant le pied de l’énorme talus. 

vers km 915 – Le « presque inaccessible » pont de FEMAHRSUND

Ces longs passages en surplomb au dessus des flots, les embarquements, les débarquements et toute la symbolique attachée aux passages de zones continentales vers des espaces insulaires sont autant d’intermèdes venant à peine briser la monotonie de notre lente progression.

Alors que nous roulons tranquillement de front, un champion du dimanche matin se signale brièvement et nous dépasse en se glissant entre nous. Michel surpris par ce « Fend la bise » obsédé par la moyenne se déporte vers la bordure. Déséquilibré, il tente de maintenir le cap et finalement tombe devant moi. Je chute également et le heurte dans le dos avec ma roue. J’hésite à bouger de peur de le blesser. Un cyclo secourable, vient nous aider car pareillement enchevêtrés, nous ne sommes guère plus adroits que deux crabes pris dans une nasse. Le bras de Michel saigne, la peau du haut de la cuisse est à vif et son cuissard est déchiré . Plus chanceux que Michel, je suis indemne.

Un peu plus tard, nous atteignons Copenhague,  ville marquant la fin de notre Eurodiagonale et le début d’une autre histoire. Elle fait l’objet du chapitre suivant.                                                                                                                                                                                                                                                   

Acte II – de  COPENHAGUE à WISSEMBOURG

Synthèse

  Trajet : Copenhague / Wissembourg

  Dates : du 26 juin au 1er Juillet 2022

  Distance : 648 km

  Dénivelée : 5895 m

  Participants :

Mevel Michel

Gauthier Gérard

  Album photo (à venir)

    Étapes
8 MALMÖ / TRELLEBORG (Suède) 60 km 197 m
9 TRAVEMÜNDE / BURGWEDEL (Allemagne) 62 km (cumul)  322 m
10 BURGWEDEL  / NAUMBURG  192 km 1741 m
11 NAUMBURG / NIEDERNHAUSEN  172 km 2045 m
12 NIEDERNHAUSEN / WISSEMBOURG  (67) 162 km 1590 m

Dimanche 26 juin, nous avons bouclé notre Eurodiagonale entre Dunkerque et Copenhague.

C’est une septième réussite pour Michel et une sixième pour moi, mais la série reste incomplète pour nous deux, car sur certaines nous avions choisi de faire l’aller et le retour. Pour atteindre le Graal des six Eurodiagonales, Michel devra encore se transporter sur les bords du Tage, affronter les redoutables reliefs anglais et écossais, tandis que je devrai tenter pour la seconde fois de rejoindre Budapest en évitant de m’exploser sur le pare-brise de la voiture d’Adolf. Les lecteurs assidus de ma prose comprendront…

Au cours de la semaine écoulée, nous avons joué les prolongations avec une petite incursion en Suède à Malmö, où réside Justine, la fille de ma voisine. (J’espère que vous apprécierez la rime qui aurait été plus riche si j’étais parvenu à l’accorder avec Rustine !)

Puis, après une traversée nocturne de la mer Baltique par ferry, nous sommes arrivés mardi dernier à Lübeck, dans le nord de l’Allemagne. Durant cette première journée nous avons alterné vélo et train, nous limitant à 60 km en propulsion musculaire, avant d’arriver dans notre hébergement à Großburgwedel, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Hanovre.

Depuis ce village de Basse-Saxe, la seconde partie de notre randonnée a véritablement débuté.

En trois étapes, en empruntant de petites routes, nous avons suivi un parcours sensiblement parallèle à une ligne Hanovre, Kassel, Wiesbaden, Mayence, puis nous avons terminé par la route allemande du vin avant de boucler notre randonnée dans la ville frontalière de Wissembourg en Alsace.

Au terme de cette randonnée, l’Eurodigonale vers Copenhague et la seconde partie de notre périple, nous avons parcouru environ 1760 km à vélo pour un dénivelé global de 9100 m, très inégalement réparti ; l’Eurodiagonale malgré presque 1100 km ne « pèse » que pour 3500 m environ.

COPENHAGUE

En arrivant à Copenhague, après plus d’un millier de kilomètres parcourus dans des paysages d’une désolante uniformité parfois « agrémentés » par les odeurs nauséabondes de l’agriculture et de l’élevage intensifs, cette chevauchée nous a souvent paru décevante. Sur cette longue route, seules les villes traversées ont été attrayantes. Souvent riches en monuments impressionnants et constructions à l’architecture remarquable, témoignant de la prospérité passée et présente de ces régions, elles nous ont ravis.

Tout au bout de la route, Copenhague, ville charmante en tous lieux a été la récompense pour ce long parcours, monotone, désespérément plat et venté de surcroît.

Je dois évoquer aussi une autre déception, assez prévisible toutefois, celle de ne pas avoir eu la chance de croiser aux abords du parlement danois une de mes actrices préférées Sidse Babette Knudsen, « la Première Ministre » dans la très recommandable série Borgen. Cette magnifique actrice est à mes yeux la parfaite incarnation de la femme mûre au charme nordique.

COPENHAGUE – Place Frederik V
COPENHAGUE – Christianholm
COPENHAGUE – Le canal Nyhavn
Déception, au parlement, la « Première Ministre »  Birgitte Nyborg est absente !
Michel est déjà là, prêt à affronter les compétiteurs.
COPENHAGUE – le Canal Nyhavn
COPENHAGUE – Christiania, le quartier hippie
Piège à touristes, mais incontournable

 

MALMÖ

Malmö, de l’autre côté du détroit de l’Øresund séparant le Danemark de la Suède a été un vrai moment de plaisir.

Après avoir emprunté par le train le tunnel sous-marin débouchant sur une île artificielle et le pont maritime dans son prolongement (un des plus longs d’Europe), nous avons été chaleureusement accueillis par Justine et Jean-Philippe dans leur étonnante et très agréable maison de bois et de briques à la mode scandinave. J’ai particulièrement apprécié leur idée géniale de créer un espace de détente aérien, constitué par un filet de sécurité de catamaran tendu en hauteur sur le pourtour du vide du séjour.

Malmö, où nous avons pris le temps de flâner nous a très agréablement surpris. Bien qu’elle soit distante à peine d’une quinzaine de kilomètres de la capitale danoise, l’ambiance et l’architecture y sont très différentes de celles de Copenhague .

En découvrant cette ville, nous sommes restés ébahis par l’audace architecturale de l’incroyable tour torsadée, la « Turning Torso » et par l’écoquartier construit à son pied, un modèle réputé dans toute l’Europe. Quel étonnement de voir cette diversité architecturale, cette intégration réussie du bâti dans des aménagements paysagers dont on devine l’appropriation évidente par les habitants. Voir des enfants se baigner dans un plan d’eau bordé par des arbres et l’abondante végétation poussant en contrebas d’immeubles dont chaque façade diffère, permet de ressentir l’harmonie de vivre à la mode scandinave, du moins telle que je l’imagine à la fois libre, simple sans être dénuée d’une certaine sophistication.

Pour avoir consacré l’essentiel de mon activité professionnelle dans les métiers de l’aménagement, je devine le bénéfice que nos urbanistes pourraient retirer en créant des quartiers s’inspirant de ce modèle.

Malmö a été un enchantement, tout a été réuni, la convivialité et le plaisir de la découverte.

MALMÔ – Le Malmö Live
Chez Justine et Jean-Philippe – Pêche miraculeuse : trois gros poissons et une ablette
Justine, Jean Philippe, leurs fillettes Louise et Juliette
MALMÖ - la turning Torso
MALMÖ – la « Turning Torso » ou l’art de faire tourner le vent et les têtes
MALMÖ – la « Turning Torso » – Côté pile
MALMÖ – la « Turning Torso » – Côtés pile et face
MALMÖ – L’écoquartier Västra Hammen au pied de la « Turning Torso »
MALMÖ – Le front de mer avec le pont de L’ØRESUNDBROEN  (7845 m dont 490 m entre les 2 pylônes supportant les haubans)

Étape 8 – Malmö / Trelleborg (Suède) – 38 km

En fin d’après-midi, nous quittons Malmö pour rejoindre le terminal des ferries de Trelleborg. Bien qu’à plusieurs reprises, j’ai été amené à utiliser ce moyen de transport, je n’ai jamais vu un pareil terminal. Pour arriver jusqu’à notre énorme navire, qui engloutit des colonnes de camions et de voitures, nous devrons parcourir près de quatre kilomètres dans les installations portuaires où je ne dénombre pas moins de cinq énormes ferries amarrés.

Nous passons la nuit à bord, allongés sur les confortables fauteuils du lounge-bar où seul un autre passager a souhaité comme nous faire l’économie d’une cabine-couchette.

TRELLEBORG (Suède) – En attente de la traversée de la Baltique

Étape 9 – Travemünde (Schleswig-Holstein) / Großburgwedel (Allemagne) : Cumul 62 km –

Lorsque nous nous remettons en selle, de l’autre côté de la Baltique, il semble très difficile d’atteindre l’objectif initial d’une étape de 212 km, d’autant que nous débarquons du ferry trop tardivement en début de matinée. Aussi, nous optons pour une journée alternant train et vélo.

Cette adaptation de notre programme nous permet de visiter Lübeck au pas de charge, mais sans être pour autant frustrés car la ville, ravagée par les bombardements, ne recèle que de rares monuments anciens souvent très rénovés.

En gare de Lübeck, grâce à l’efficacité des agents et du réseau de la Deutsche Bundesbahn, nous nous transportons avec nos montures jusqu’à Lüneburg, à 60 km plus au sud. Nous nous attardons un peu dans cette petite cité pour admirer les constructions et édifices moyenâgeux aux façades colorées avant de pédaler à nouveau pendant une trentaine de kilomètres.

Soudain sur la piste cyclable bordée par une route bruyante, je suis brutalement freiné. Mon porte bagage a brusquement pivoté vers l’arrière et frotte sur le pneu. Les vibrations provoquées par de fréquents passages sur des routes pavées ont contribué à desserrer la fixation retenant mes sacoches au tube de selle. J’en suis quitte pour une frayeur rétrospective.

À Uelzen, nous embarquons une dernière fois dans un train pour rejoindre Großburgwedel, notre hébergement dans ce village situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Hanovre.

LÜBECK- Holstentor
LÜBECK (Schleswig-Holstein) – Hôtel de ville
LÜBECK (Schleswig-Holstein)
LÜNEBURG (Basse-Saxe) – La place principale
LÜNEBURG (Basse-Saxe) – La place principale
LÜNEBURG (Basse-Saxe) – Stinmarkt
LÜNEBURG (Basse-Saxe)
Les patates en fleurs ne me laissent pas insensible

Étape 10 – Großburgwedel (Basse-Saxe)/ Elbenberg (Hesse) : 191km – 1741 m

Avec cette journée commencée en Basse-Saxe orientale puis poursuivie dans le Land de Hesse, après une traversée sans encombre de l’agglomération de Hanovre, nous retrouvons le plaisir de pédaler autrement que pour avancer.

Ici, avec des villages aux maisons à pans de bois aux allures de Legoland, les champs aux cultures variées tapissant les collines, les bosquets, les forêts, les rivières, en un mot la nature retrouvée, nous sentons revenir le plaisir de randonner au long cours. Contrairement à ces régions saccagées par l’agro-industrie (Flandres, partie de la Basse-Saxe contiguë aux Pays-Bas), où nous devions constamment être en prise, les changements de rythme sont fréquents.

En milieu de parcours, notre itinéraire emprunte longtemps la vallée de la Weser. Sur ces chemins tranquilles, nous récupérerons de nos efforts passés. Le parcours facile nous permet de préserver nos forces pour la dernière cinquantaine de kilomètres annoncée avec des reliefs chahutés.

Sur les dernières ascensions, pour éviter de rouler chargés, nous retardons nos achats pour le repas du soir en prévoyant de ravitailler dans l’un des deux derniers villages. Mauvaise pioche,  les deux magasins sont fermés ! Le Ramadan risque d’être au menu du soir.

Par chance, Inge notre hôtesse nous dépanne : elle nous offre une soupe à la tomate et un plat de pâtes avec des légumes. Il ne nous reste qu’à la remercier et à réchauffer notre repas.

La providence est souvent amie des cyclistes endurants et imprévoyants !

NIEDERMEISTER (Basse-Saxe)
Maisons typiques de Basse-Saxe
ZIERENBERG (Basse-Saxe)

Étape 11 – Elbenberg / Niedernhausen (Basse-Saxe) : 172 km – 2045 m

Aujourd’hui, les bosses à répétition sont au programme. Elles se révèlent particulièrement relevées l’après-midi après le passage par Gießen, seule ville importante sur notre parcours.

Les monts du Taunus qu’on aborde peu après le passage de cette ville ne ressemblent en rien aux vallonnements du matin sur lesquels nous prenions un malin plaisir à avaler les petites montées à l’arrache et à foncer dans les descentes en écrasant les pédales pour se donner l’illusion de vitesse. Le parcours à partir d’ici devient exigeant.

En début d’après-midi, notre presque heure d’avance sur la feuille de route, déjà entamée par une erreur d’orientation sur un parcours improvisé, supposé plus bucolique, fond rapidement. Une crevaison la réduit encore et la chaleur ambiante combinée à la fatigue accumulée finissent par l’anéantir complètement. Heureusement le parcours, pour difficile qu’il soit, reste un vrai bonheur pour les cyclotouristes que nous sommes : les villages sont beaux, les passages en forêt procurent un peu d’ombre et souvent depuis ces hauteurs on découvre des panoramas sur une agréable campagne hérissée de forêts d’éoliennes.

Angela a dit « Nuklear, NEIN !… Wind, JA ! » et ça se voit dans toute l’Allemagne.

Les derniers kilomètres avec près de 400 m d’ascension sur des pentes raides épuisent nos dernières ressources, avant que nous dévalions une longue descente où le compteur s’affole pour monter jusqu’à 64 km/h.

Mais à Niedernhausen pour mériter le gîte et le couvert à l’arrivée de notre étape, il nous faut encore affronter le dernier kilomètre, un terrible  » raidard  » à 15 %. Michel pour s’épargner choisit de le grimper en partie à pied.

Tout en haut, Philip un tintinophile passionné, un brin exubérant et sa maman nous réservent le meilleur accueil. Dans ce gîte où les personnages de bande dessinées occupent toutes les pièces de la maison, le portrait en pied grandeur nature de Mister Bean souriant en haut de l’escalier me surprend à plusieurs reprises, surtout le matin lorsque pas vraiment réveillé, je le croise sur le chemin de la salle de bains.

GEMÜNDEN (Hesse)
Un Dufresne allemand ? (Message intelligible pour les seuls tourangeaux)
BERGFREIHEIT (Hesse)

Étape 12 – Niedernhausen (Hesse) / Wissembourg (France – 67) / Lingolsheim (67) 162 km – 1590 m

Pour la première fois depuis notre départ, la pluie est annoncée avec une forte probabilité pour les deux premières heures au moins. Revêtus de nos imperméables, ces vêtements qui permettent aux cyclistes d’être mouillés à l’intérieur plutôt que par la pluie, nous enfourchons nos montures vers quatre heures et demie alors qu’il fait encore nuit. Dehors, nous avons juste droit à un petit crachin sur une route à peine mouillée. Quelques montées plus loin, notre expérience de « cyclo-météorologistes » nous suggère qu’il est temps de débâcher.

À ma grande surprise, j’aperçois un panneau indiquant « Fondettes – 830 Km ». À côté un autre indique le jumelage de Naurod avec cette localité de l’agglomération tourangelle où réside un de mes beaux-frères. Didier aura droit à la photo de ce panneau insolite au petit-déjeuner.

Un peu plus loin, Wiesbaden et Mayence, que seul le Rhin sépare, nous frappent par leur opulence. Des pistes cyclables nous permettent de traverser facilement et en toute sécurité ces deux villes regroupant environ 500 000 habitants.

Après 80 km en Rhénanie-Palatinat, à partir de Bockenheim débute la remontée de la route allemande du vin.

Ce nom de village me rappelle un texte allemand étudié en troisième. En prononçant ce nom, la voix et le visage de mon professeur d’allemand surgissent des tréfonds de ma mémoire. Me voilà soudain projeté cinq décennies plus tôt, je revois et j’entends Monsieur Badot, cet excellent pédagogue, qui outre les déclinaisons allemandes tenait aussi à nous enseigner l’accent tonique propre à la langue germanique. Je sais que cet homme, aujourd’hui très âgé, s’est passionné à la retraite en écrivant des livres relatifs à l’histoire rurale Franc-comtoise. Les Eurodiagonales ont aussi cette faculté d’ouvrir la boîte des souvenirs.

Notre professeur déclamait en martelant les finales : « Die Deutsche Weinstrasse ist achtzig Kilometer lang, sie beginnt im Schweigen… ». Achtzig … 80 kilomètres, pas besoin d’être un fort en thème pour savoir qu’il faudra encore pédaler sans mollir, si nous ne voulons pas manquer le train qui de la frontière française nous ramènera à Strasbourg.

La route allemande du vin nous offre de nombreuses occasions de nous arrêter pour apprécier le charme et le pittoresque de ces villages et bourgades ressemblant beaucoup à ceux de l’Alsace voisine.

À une dizaine de kilomètres de la frontière, une nouvelle crevaison vient ralentir notre progression vers la ville frontalière de Wissembourg.

D’un coup, malgré une dernière côte, la fatigue s’efface, le rythme s’accélère. Sans même ralentir, nous franchissons, la « Deutsche Weintor » (Porte allemande du vin) qui marque symboliquement la frontière. Pour atteindre la gare à temps, il nous reste encore deux kilomètres à avaler à toute allure, quitte à faire rougeoyer le boitier de pédalier.

Pari tenu, installés dans le wagon, notre train démarre quatre minutes après notre arrivée en gare de Wissenbourg et douze jours après notre départ de Dunkerque.

Nota : Michel, « la force tranquille » aura 76 ans dans quelques jours. Il est vraisemblablement le doyen des diagonalistes en activité. D’un naturel discret et modeste, il n’en tire aucune gloire, mais je tiens à saluer son courage, sa tranquille obstination et sa belle performance, même si ce n’est pas l’objectif des randonnées, qu’il entreprend essentiellement pour le plaisir de la découverte.

Rencontre entre 5 bourrins sur la Weinstraße
DUDENHEIM – Deutsche Weinstraße (Rhénanie-Palatinat)
NEUSTADT – Deutsche Weinstraße (Rhénanie-Palatinat)
LANDAU – Deutsche Weinstraße (Rhénanie-Palatinat)



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