Le Blog de Gégé

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27/02/2021

La route des talus fleuris

(150 km – 2014 m de dénivelé)

Entre mon hébergement de Baudré, au sud de Saint-Lô et le premier pointage à Periers (50), je dois rouler pendant plus de 30 km dans un brouillard épais, qui humidifie les vêtements et embue les lunettes. La visibilité n’excède pas 50 mètres et la température ne dépasse pas trois degrés. Heureusement le parcours n’emprunte que de petites routes sans circulation. Toutes sont bordées de hauts talus, formant enclos, que surmontent des haies denses. Parfois lorsque le chemin est étroit, les arbustes, lorsqu’ils ne sont pas taillés, forment une voûte créant ainsi un décor un peu irréel estompé par le brouillard.

Petit à petit la lumière du jour naissant éteint cette grisaille et révèle une multitude de petites fleurs jaunes qui percent la mousse revêtant les talus. Les nombreuses côtes jalonnant le parcours me laissent le temps pour la contemplation de ces bords de route caractéristiques à toute la péninsule du Cotentin.

Après la pause de mon second petit-déjeuner à Periers, le soleil finit par se montrer. Il fait enfin disparaître ce brouillard que je craignais devoir persister.

Après Doville, (km 54) c’en est fini des petits chemins creux. Faute d’avoir trouvé un itinéraire de substitution, je dois rouler sur une route assez fréquentée jusqu’à Bricquebec (km 74) où je me ravitaille un peu avant midi.

Château de Bricquebec (50)

Pour rejoindre cette petite ville, je me détourne sur une voie verte non revêtue, mais après quelques kilomètres, la raison commande de me rabattre à nouveau sur la route départementale si je ne veux pas risquer de voir un pneu lacéré par les cailloux. Il est vrai que le pneu de secours est reparti dans les bagages de Michel et j’ai oublié de le lui demander lorsque nous avons dû nous séparer à Vendôme.

Il faut encore avaler quelques sérieuses côtes avant de retrouver enfin une route plus tranquille à la sortie de Quettetot (km 78)

Passé La Hague (km 106), l’itinéraire emprunte des détours charmants, toujours bordés de ces talus fleuris où surgissent çà et là des genêts. Tapis en retrait sur les hauteurs, les bâtiments du centre de retraitement des déchets nucléaires viennent un moment briser l’harmonie de ce paysage champêtre.

Puis tout d’un coup en sortie d’une énième côte rude succédant à une rude côte, j’aperçois la mer, d’abord à droite, puis un ou deux kilomètres peu plus loin, à gauche. Je suis certain d’avoir maintenant atteint le bout du monde.

Entre temps, bien que je n’y ai jamais mis les pieds, je lis sur un panneau un nom familier : « Nez de Jobourg ». Ce lieu fait partie de ces endroits mythiques où l’on sait que finit la terre, un lieu identifiable sur n’importe quelque carte et peut-être même depuis l’espace.

Vers la Hague

Enfin, merveille des merveilles, au sortir d’une descente enserrée entre les collines, je découvre la baie d’Ecalgrain. Il faudrait beaucoup de talent pour en évoquer l’indicible beauté ; le mieux est peut-être d’y venir par une belle après-midi comme aujourd’hui pour la découvrir sous cette douce lumière d’hiver.

Baie d’Ecalgrain
Baie d’Ecalgrain

Je dois encore affronter une sévère montée, (le GPS hésite entre 16 et 17%), me balancer sur quelques virages en découvrant de nouvelles vues sur la Manche, avant d’arriver à Auderville. Le village se résume à quelques maisons coquettes en granit ramassées sur les pentes d’une colline.

En pointant ici, je pense au « Coyote », Patrick Plaine, alias « Roule-toujours », l’homme aux 1,75 millions de kilomètres parti maintenant randonner sur les routes de l’éternité. Il a été l’initiateur de ce magnifique challenge des Centrionales et de bien d’autres randonnées. Mettre ses roues dans la trace de ce randonneur de légende, c’est aussi essayer de s’imprégner un peu de l’homme qu’il était. Nos routes ne se sont croisées qu’une seule fois, en 2006 à Camaret-sur-Aigues dans le Vaucluse. Je regrette de ne pas l’avoir abordé mais à l’époque j’ignorais que ses belles idées de randonnées me donneraient un jour l’envie d’y participer.

Finalement le plus bel hommage à rendre à ce cyclotouriste d’exception, c’est d’enfourcher sa monture et de partir sur ses traces à la découverte de la France. Ça monte souvent, c’est parfois assez loin mais ça en vaut toujours la peine !

Au-delà d’Auderville, but déclaré de cette Centrionale, je poursuis jusqu’à Cherbourg en suivant la côte par la route des caps et par quelques détours via des chemins creux bougrement pentus. Quand on aime, on ne compte pas…

Retour vers Cherbourg

Mon seul regret sur cette Centrionale est d’avoir dû par la force des événements rouler en solitaire. Aux dernières nouvelles, Michel est à peu près remis de sa chute, même s’il souffre encore un peu de l’épaule.



4 réflexions au sujet de « La route des talus fleuris »

  1. Cyclotouriste comblé !
    En attendant la prochaine randonnée et son récit, merci de nous faire partager tous ces sentiments et émotions …..

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