2014 – Eurodiagonale – STRASBOURG / BUDAPEST (Hongrie)

Synthèse

  Trajet : Strasbourg / Budapest

  Dates : du 22 au 27 mai 2014

  Distance : Abandon au km 930 (accident)

  Dénivelée : 10 314 m au km 930

  Participants :

LAMY Cédric

LAMY Joël

GAUTHIER Gérard

  Homologation FFCT :

non homologuée suite à abandon

   Aucun album photo

    Étapes
1 STRASBOURG / ORTENBERG ( Bade-Wurtemberg – Allemagne) 31 km 68 m
2 ORTENBERG / HÖRBRANZ (Vorarlberg – Autriche) 218 km 1553 m
3 HÖRBRANZ / BAD TÖLZ (Bavière – Allemagne) 179 km 2289 m
4 BAD TÖLZ / WERFENWENG (Salzbourg – Autriche) 188 km 2515 m
5 WERFENWENG / DEUCHENDORF (Styrie – Autriche) 206 km 1873 m
6 DEUCHENDORF – BERNSTEIN (Burgenland – Autriche) 108 km 2016 m

  Feuille de route : Ouvrir  Télécharger

« De Profundis Titanium !»


Cette Eurodiagonale entreprise avec Joël et Cédric Lamy a pourtant bien commencé. Fin mai, la Forêt noire, les bords du lac de Constance, la Bavière, le Tyrol et la basse Autriche sont un régal pour les yeux, même si pour les contenter, il faut souvent user de la plus petite galette du triple plateau et payer de sa personne pour pénétrer au cœur des Alpes.

Malheureusement en Autriche à Bernstein, au km 930 de notre randonnée vers Budapest, alors que nous approchons la frontière hongroise, je percute sur une route forestière la voiture d’un paisible retraité.  La compagnie d’assurances m’apprendra un peu plus tard que le chauffeur sur lequel je me suis littéralement jeté, prénommé Adolf, est né en juin 1940 ! À cette époque, il est vrai que le sinistre personnage jouissait d’un certain prestige auprès des foules germaniques fanatisées.

Pourtant malgré son prénom douteux, ce pauvre Adolf n’est en rien responsable. Sur un faux plat descendant, j’ai eu le tort de m’attarder sur la carte à un moment inopportun et sans y prendre garde, je me suis déporté sur la gauche. Relevant la tête au dernier moment, je m’en aperçois trop tard et me trouve catapulté sur le capot de la voiture. L’arrivée d’un pachyderme sur le véhicule provoque aussi l’explosion du pare-brise et l’effroi du pauvre retraité dont je n’ai pas eu le temps de voir s’il était affublé de cette mèche et de cette moustache si grotesques.

Pendant quelques instants, je perds connaissance. Lorsque je reprends conscience, j’interroge la personne penchée sur moi. Avec les quelques rudiments d’allemand scolaire, j’interroge les secouristes. Dans ce moment de confusion, j’aimerais savoir si je suis en Allemagne ou en Autriche. C’est ce que me raconteront plus tard Cédric et Joël car je ne recouvrerai jamais la mémoire de ce moment.

Je gis au sol. L’essuie-glace a entaillé ma poitrine. Une longue balafre remonte jusqu’au cou presque à l’endroit de la carotide. Il s’en faut de peu pour que cet accident me coûte la vie et que je finisse saigné au bord de la route comme un pauvre goret.

Les services de secours me dirigent alors vers l’hôpital d’Oberwart dans le Burgenland. J’y passe la nuit et au matin, les examens ne révélant aucun traumatisme ou séquelle corporelle grave, on me libère. Au passage, je suis délesté de 850 euros pour régler le coût des soins, des examens et du repas que j’attends encore. Car depuis la veille, examiné par les médecins au moment du souper, je n’ai mangé qu’une pomme donnée par un patient partageant la chambre. Ça met le kilo de pommes à un prix prohibitif ! Faute d’avoir oublié de partir avec ma carte vitale internationale, il me faudra six mois pour être remboursé.

Le lendemain matin, encadré par mes deux compagnons d’infortune arrivés depuis peu, je quitte l’hôpital tel un va-nu-pieds claudiquant car dans l’accident j’ai perdu une chaussure.

Physiquement, les 150 km de la veille et le ramadan forcé m’ont plus éprouvé que l’accident. Si je ne veux pas mourir d’inanition, l’urgence est maintenant d’un autre ordre : il nous faut rompre le jeûne et trouver au plus vite une pizza, si possible aussi grande qu’une roue de vélo.

Dans le bus qui nous ramène vers le village de Bernstein, où nous prévoyons de nous rassasier, un écolier me dévisage longuement, impressionné par cette face tuméfiée passant déjà par toutes les couleurs de l’arc en ciel. Comme il insiste du regard et me demande par gestes si je me suis battu, je finis par lui faire comprendre que si je suis blessé, mon agresseur aura pour sa part le privilège de voyager en corbillard… « Der andere ist tot ! »[1]

Conformément à ma demande, « Europe Assistance » accepte de me rapatrier en voiture à Budapest où de longue date il est prévu que mon épouse nous rejoigne par avion le soir même de notre arrivée. Pendant que je témoigne au poste de police de Bernstein, je réussis à négocier avec l’assurance pour que mes coéquipiers et nos montures puissent aussi être pris en charge. L’assurance consent à nous envoyer un fourgon pour nous récupérer au commissariat et nous acheminer vers la capitale hongroise distante d’environ 250 km.

Après plusieurs heures d’attente à Bernstein, nous entamons en soirée une course folle avec ce chauffeur, ou plutôt ce chauffard, chargé de nous convoyer. Durant le trajet, je négocie avec lui un transport vers l’aéroport distant d’une vingtaine de kilomètres de la capitale hongroise. Au passage nous récupérons les clefs de l’appartement loué à Budapest auprès du propriétaire, très surpris par l’état d’un de ses clients.

Enfin vers minuit, et après une énième entorse au code de la route, nous retrouvons à l’aéroport mon épouse arrivée là depuis cinq minutes à peine. Rétrospectivement j’avoue avoir été d’avantage angoissé par la manière de conduire de cet inquiétant personnage que par l’accident survenu la veille.

Puis quatre jours durant avec Joël, Cédric et mon épouse nous visitons Budapest où cette face amochée ne manque pas d’intriguer. Au terme du séjour, nous rejoignons la France par avion avec mon beau vélo titane désormais brisé en trois endroits.

Ce voyage aurait pu être le dernier. Il a un goût d’inachevé. 

Aussi je compte bien m’engager à nouveau sur ce périple en suivant un autre itinéraire, tout aussi relevé que celui-ci, pour profiter pleinement d’autres paysages et des routes très plaisantes de l’Allemagne du sud, de l’Autriche et de la Hongrie. Mais cette fois, c’est promis, je ne croiserai pas la route d’Adolf et je ne quitterai la route des yeux qu’après avoir déchaussé les pédales sur le parvis du parlement hongrois !

1] Traduction : « L’autre est mort »




Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
10 + 19 =